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Pierre de Ronsard. L' Alouette.
Hé Dieu! que je porte d'envie
Aux félicités de ta vie,
Alouette, qui de l'amour
Casquettes dès le point du jour,Secouant la douce rosée
En l'air, dont tu es arrosée.Devant que Phoebus soit levé
Tu enlèves ton corps lavé
Pour l'essuyer près de la nue,
Trémoussant d'une aile menueEt te sourdant à petits bonds,
Tu dis en l'air de si doux sons
Composés de ta tirelire,
Qu'il n'est amant qui ne désireComme toi devenir oiseau
Pour dégoiser un chant si beau;
Puis,
quand tu t'es bien élevée,Tu tombes comme une fusée
Qu'une jeune pucelle au soir
De sa quenouille laisse choir,
Quand au foyer elle sommeille,
Frappant son sein de son oreille...
Tu vis sans offenser personne;
Ton bec innocent ne moissonne
Le froment, comme ces oiseaux
Qui font aux hommes mille maux,
Soit que le blé rongent en herbe,Ou bien qu'ils l'égrènent en gerbe;
Mais tu vis les sillons verts
De petits fourmis et de vers;
Ou d'une mouche, ou d'une achéeTu portes aux tiens la becquée,
Des feuilles, quand l'hiver est mort...
Ainsi jamais la main pillarde
D'une pastourelle mignarde
Parmi les sillons épiant
Votre nouveau nid pépiant,Quand vous chantez, ne le dérobe
Ou dans son sein, ou dans sa robe.
Vivez, oiseaux, et vous haussez
Toujours en l'air, et annoncezDe votre chant et de votre aile
Que le printemps se renouvelle.
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